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Chroniques d'une histoire chaotique Episode 4: " Et merde"

  • Kaia Te
  • 23 juil. 2023
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 24 juil. 2023




On était intimidés de se retrouver seul à seul, comme si on connaissait d’avance les tenants et les aboutissants de ce séjour. Je l’ai embrassé tendrement sur la joue, en m’assurant de prendre sa valise discrètement de la main droite tout en lui demandant comment elle allait. Même si je savais pertinemment qu’elle insisterait pour la trainer avec difficultés jusqu’à la voiture : « J’ai l’habitude t’inquiète, je voyage toujours léger » m’assura-t-elle en me faisant un clin d’œil.

Arrivés chez moi, j'ai posé ses affaires dans le salon. Je ne sais pas si lui proposer de les mettre dans ma chambre aurait été très gentleman sachant qu’on était pas encore ensemble. Je l'ai regardé pendant de longues secondes détacher ses cheveux, cheveux ondulés qui glissaient avec finesse sur son pull. Des frissons m'ont parcouru le corps. J'avoue que dit comme ça ça peut faire flipper. Je ne suis pourtant, ni Michel Fourniret, ni Dominique Strauss-Kahn. Je lui propose de manger un gâteau créole cuisiné et préparé par mes soins, un gâteau Ti son dont je savais qu’elle raffolait. Accompagné d’un thé à la vanille, on échangeait sur les semaines passées. Elle m’expliquait plus en détails sa recherche de boulot et moi je je lui dressais un rapide tableau de ma vie en essayant de mettre un peu de « nos » à la place des « mes » que j’utilisais pour parler un peu des mois qui allaient suivre. L’entendre, le sourire aux lèvres, entre deux bouchées, susurrer un « hummmm c’est trop bon, tu cuisines divinement bien » m’avait cette fois-ci donné envie de l’embrasser fougueusement sur le canapé jaune du salon. Mais je me suis ravisé dès que l’idée et l’excitation eurent parcouru mon esprit et mon corps. A vrai dire, je ne savais pas si elle aurait accepté ne serait-ce qu’un baiser. Elle était très avenante comme amie mais ça contrebalançait souvent avec cet aspect plutôt froid et inaccessible qui la caractérisait. A partir de ce jour, le sujet de son « ex » était devenu tabou, on n’en parlerai presque jamais si ce n’est que pour s’engueuler quand ça partait dans les tours. Je la voulais depuis assez longtemps déjà, j’avais attendu des mois patiemment et aujourd’hui l’occasion était venue d’en profiter au maximum et d’enfin, tenter ma chance.

Je m’étais soigneusement préparé pour sortir boire un verre en fin d’après-midi. Parfum Yves Saint Laurent, jean kaki, veste en cuir marron et chemise beige à col mao. Elle aussi, comme à son habitude, avait enfilé une jolie tenue, une robe beige moulante, qui mettait en avant sa jolie paire de fesses rebondie que je regardais furtivement dès qu’elle se retournait. J’ai jamais compris comment c’était possible d’avoir un fessier si charnu alors qu’elle était fine comme une baguette.

« Dringgggggggg » (je sais pas comment faire le bruit d’une sonnette d’appart)

« … Y’a quelqu’un ??? Ouvre-moi s’il te plait... »

On est tous les deux dans l’entrée prêts à s'en aller, en mode arrêt sur image: "un deux trois soleil" ( référence au jeu qu'on faisait enfants dans les cours de récré pour les incultes). Je regarde par le judas, un œil fermé et l’autre grand ouvert qui se fixe sur une grande blonde décolorée. Laura. Toujours habillée de manière classe, en commerciale, tailleur cintré, pantalon noir et chemise blanche. Laura, c'est mon ex-copine, elle m'a largué il y a quelques semaines. Derrière la porte, elle continue de sonner à tout va en attendant que je lui ouvre. (C’est drôle, je vais vivre à quelques différences près la même scène des années plus tard. Sauf que là, JE serais derrière la porte). Je vois son nez assez prédominant s’approcher du judas, un peu comme dans les jingles des séries familiales françaises.

Lola me regarde, surprise et me chuchote avec son regard tendre : « Tu devrais peut-être lui ouvrir non ? ». Je ne voulais pas perdre mon temps, elle revenait certainement car elle s’en voulait. Probablement qu’elle souhaitait qu’on reprenne là où s’était arrêté notre relation et qu’on oublie tout les derniers moments nauséabonds. Sérieux, je la comprends pas. Elle a bashé notre histoire en me criant un : « T’es nul au pieu en plus ! ». Plus que ma fierté c’est la sienne qui a été secouée. J'avais pas été très tendre non plus. Le lendemain elle a probablement dû se ressaisir devant sa tasse de café, la tête dans le cul après une nuit arrosée et se dire « Mais pourquoi je lui ai dit ça… ? Mais quelle conne je suis… » Oui, t’as pas tort, tu touches à l'un des points les plus délicats pour un homme et sa virilité: mettre en doute ses capacités sexuelles et c’est bas!" J’ai souvent dit à Lola : « Pour moi, une relation amoureuse, quand c’est fini, c’est fini ». Lola, elle aura été la seule en 32 ans d’existence à déroger à la règle. Elle connaissait mes histoires de cœur, de cul, les femmes avec qui j’avais été heureux, celles qui m’avaient fait morfler. Elle avait été ma confidente pendant quelques mois mais maintenant, je voyais les choses d’un tout autre œil. Il fallait que je garde plus de choses pour moi car elle n’était plus mon amie. Elle était devenue bien plus.


Avant celle qui frappait encore à la porte depuis maintenant cinq bonnes minutes, j’ai aussi partagé deux mois avec une autre femme, Kelly (ça fait encore cliché de sitcom à l’américaine). Vous allez vous dire: " Eh ben il en a eu des conquêtes celui-là!". Grande, brune à la coupe garçonne qui m’a permis de mettre un peu de côté mes déboires amoureux et ma putain de colère envers la mère de mon enfant, celle que je pensais être la femme de ma vie. Oui j’ai une petite fille, j’aurais l’occasion de vous en parler un peu plus tard. Durant toute cette période, je téléphonais régulièrement à Lola, quand elle ne venait pas nous voir ici. Je prenais de ses nouvelles et je lui racontais mes quelques anecdotes loufoques de couple. Je brouillais les pistes de ma tristesse sans m’en rendre compte. J'évoquais même des détails sexuels partagés avec ma nouvelle compagne à Lola, toujours à l'écoute : « Tu vas rire tu sais ce que je lui ai acheté pour son annif ? un costume de soubrette pour pimenter nos soirées ! » ou encore « Elle m’a fait une gâterie dans la voiture l’autre soir, c’est la première fois qu’on me fait ça, elle n’est pas croyable ! » Au fond de moi, avec un peu de recul, 70% de mon discours était composé pour essayer de la rendre ne serait-ce qu'un tout petit peu jalouse. Contre toute attente, elle rigolait derrière le combiné et me disait que j’étais irrattrapable. Je sentais que mes paroles, mes anecdotes n’avaient pas l’effet escompté mais ça me faisait du bien de trouver le moindre prétexte pour entendre sa voix séduisante à l’autre bout du fil.


COMMU-NIQUONS ?


« T’es vraiment trop con à pas ouvrir ! J’ai un truc important à te dire pourtant ! » …

« Tanpis pour toi julien ! Je venais pas pour rien, j’me casse, t'es vraiment un abruti ! »

On a attendu qu’elle reparte, qu’elle se mettre dos à la porte, qu’elle fasse quelques pas pour se positionner nerveusement face à l’ascenseur qui l’amènerait jusqu’ à la sortie de l’immeuble, dans lequel elle ne mettrait plus jamais un pied.

« Euh, t’es sûr de ne pas vouloir lui parler ? A l'entendre elle a un truc important à te dire... » chuchote doucement Lola

« Non elle n’a rien à me dire jt’assure, ce sont toujours de fausses excuses, allez on bouge maintenant, ça te dit un p’tit ciné !? »


J’étais souvent étonné de voir la facilité avec laquelle Lola parlait de mon passé, évoquait mes anciens amours. Elle sentait bien que j’avais souffert de la séparation avec la mère de ma fille et que j’essayais tant bien que mal de tourner la page en m’engageant à chaque fois trop rapidement dans des relations merdiques, pas réellement en adéquation avec ce que j’étais. Tout ça dans le but d’effacer l’imposant sentiment de solitude qui pouvait me ronger. Enfin ça, c’est ce qu’elle pensait, moi j’étais loin d’avoir analysé la situation aussi finement.

« Pourquoi à chaque fois tu fais les choses aussi vite ? Rester seul peut faire du bien pour faire le point tu sais… ? » Je la regardais et ricanais en guise de réponse pour lui faire croire qu’elle ne racontait que des conneries : « ça va avec tes conseils de psy là ! t’aurais p’tet dû faire ça comme métier en fait !! »

Au fond, elle n’avait peut-être pas tort. Pour autant, il était hors de question de l'avouer. Fierté masculine peut-être. Comme si ce n'était pas déjà suffisant elle venait de me conseiller de prendre mon temps avant de me lancer dans une autre histoire d'amour : "ne cherche pas une femme pansement, les pansements restent pas longtemps accrochés à nos blessures"


Et merde.




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